De la séparation… à l’aliénation parentale
La séparation marque une transition majeure dans la vie d’une famille. Elle ne se résume pas à une nouvelle organisation des temps parentaux : c’est un bouleversement émotionnel qui nécessite un temps d’adaptation pour chacun des membres de la famille.
En moyenne, il faut environ deux ans pour traverser les différents deuils qu’implique cette réorganisation. Pour les parents, il s’agit d’un deuil amoureux, du deuil du projet de famille, d’une perte de repères et d’une reconstruction identitaire, tandis que l’enfant affronte souvent les défis suivants : deuil de la famille unie, adaptation aux nouveaux foyers, changement de routines, possible déménagement, perte de proximité avec un parent, arrivée éventuelle d’un nouveau conjoint parental, etc.
Saviez-vous que
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40 %
des familles québécoises avec enfant sont séparées.
20 % à 35 %
des parents séparés maintiennent un niveau de conflit élevé pendant au moins trois ans.
5 %
d’entre eux demeurent dans une tension extrême même après dix ans.
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Pour de nombreuses familles, la séparation est une période chaotique et douloureuse qui, si elle n’est pas accompagnée correctement, peut laisser des séquelles profondes chez les parents et les enfants.

Les familles en coparentalité conflictuelle
Lorsque le conflit devient chronique, il peut nuire à l’adaptation de l’enfant et être perçu comme une forme de maltraitance psychologique. De plus, ces tensions influencent les décisions concernant la garde et les responsabilités parentales, d’où l’importance pour les professionnels des services psychosociaux et du droit de bien comprendre les différentes dynamiques.
Il est essentiel de distinguer ces trois dynamiques qui, bien que parfois entremêlées, relèvent de réalités différentes :
Conflit sévère de séparation (CSS)
Les tensions entre les parents persistent après la rupture et se traduisent par une hostilité marquée et des recours fréquents aux services sociaux et juridiques. Bien qu’aucun rapport de domination clair ne soit établi, ce type de conflit a des répercussions négatives sur l’enfant, en compromettant son développement psychologique et en risquant d’engendrer des difficultés d’adaptation. Lorsqu’il s’enlise, le CSS altère la coparentalité et menace le bien-être de l’enfant sur le long terme. Certains CSS impliquent des enjeux de sécurité, notamment en cas d’allégations de violence ou de maltraitance.
Violence post-conjugale (VC)
Un parent harcèle, menace ou exerce un contrôle (coercitif, financier, juridique ou émotionnel) persistant sur l’autre. Il peut aussi utiliser les enfants pour maintenir son emprise.
Puisque certains parents formulent de fausses allégations de violence pour justifier l’aliénation et que d’autres peuvent être faussement accusés d’aliénation parentale alors qu’ils tentent de protéger leur enfant d’un danger réel, il est crucial pour les professionnels de faire la distinction afin de veiller au meilleur intérêt de l’enfant.
Consultez la page de SOS violence conjugale pour plus d’informations en lien avec la violence conjugale.
Aliénation parentale (AP)
Une dynamique relationnelle dans laquelle un parent, volontairement ou non, adopte des comportements aliénants qui influencent l’enfant au point de provoquer un rejet injustifié et une désaffection à l’égard de l’autre parent. Ce processus évolue sur un continuum, sous l’influence de divers facteurs internes et externes au système familial. Contrairement aux situations où l’éloignement d’un parent est justifié par des comportements inappropriés ou dangereux, l’AP se caractérise par l’absence de motifs valables expliquant la rupture du lien. Cette dynamique concerne environ 20 à 27 % des litiges de garde, mais seuls 6 % des cas impliquent le rejet sévère d’un parent.
Comprendre le conflit de loyauté (CL)
Le conflit de loyauté est le sentiment que ressent l’enfant lorsqu’il a l’impression qu’il doit prendre parti ou choisir entre des personnes significatives : ses parents, ses beaux-parents ou même les membres de sa famille élargie. Il se sent coincé, ce qui l’amène à modifier son comportement selon le parent avec lequel il est. Il survient souvent après une séparation, particulièrement dans un climat de tension entre les parents.
Signes d’un conflit de loyauté chez l’enfant
- L’enfant change d’attitude selon le parent avec lequel il est.
- Il peut dire qu’il veut voir ses deux parents, mais il se sent coupable en le faisant.
- Il se sent coupable de passer du temps avec l’un de ses parents.
- Il montre de l’anxiété lors des transitions d’un foyer à l’autre.
- Il évite certains sujets ou refuse de parler d’un parent devant l’autre.
Le conflit de loyauté est une situation inconfortable pour l’enfant qui, lorsqu’il est amplifié par un parent exerçant une influence sur lui, peut créer les conditions menant à l’aliénation parentale.
Comment ces dynamiques s’entrecroisent
Dans les séparations conflictuelles, ces phénomènes peuvent coexister.
- Un conflit sévère de séparation (CSS) peut entraîner un conflit de loyauté (CL) chez l’enfant.
- Un CSS peut aussi glisser vers l’aliénation parentale (AP) si l’intervention est inadéquate ou absente par manque de ressources ou lenteur judiciaire.
- Les victimes de VC sont plus à risque de vivre de l’AP après la séparation.
Comprendre ces interactions permet d’adapter les interventions et d’offrir un meilleur soutien aux familles, en plaçant toujours l’intérêt de l’enfant au cœur des décisions.